Nous arrivons de bonne heure à Aralsk, ancienne ville maritime sur la mer d’Aral. Le hic, c’est que la mer d’Aral est maintenant a 25Km+ du port. La ville semble morte, déserte. Les commerces ouvrent à 9h et il est 6h30 quand nous arrivons. Nous allons attendre un moment je crois ! Je sors dans la ville avec Mélusine pour chercher de l’argent liquide, seul moyen de payer dans la plupart des cas pour nous touristes, et il n’y a presque pas âme qui vive dans la ville ! Mais avant tout, bien que vous connaissiez sûrement tous la triste histoire de la mer d’Aral, je vais vous faire un bref rappel.
Cette mer isolée est située à cheval entre Le Kazakhstan au nord et l’Ouzbékistan au sud et est alimentée par deux fleuves, le Amon-Daria au sud et le Syr-Daria au nord. Apportant respectivement 75% et 25% d’eau douce dans la mer, ces apports couvrent les évaporations de la mer qui n’est pas très profonde, avec une moyenne de 7/10M et un maximum à 60m dans la partie sud. La mer est riche en poisson, et une industrie de pêche s’y est développée et est l’essort économique de la région. Industrie de pêche signifie poisson, chantiers navals, conserverie… plus tout ce qui gravite autour.
Mais voilà, dans les années 60, l’URSS veut être autonome en resources et décide de cultiver de manière intensive le coton en Ouzbékistan, culture qui réclame beaucoup d’eau. Pour ce faire, le fleuve Amon-Daria est détourné pour irriguer des plaines désertiques entières. Entre le Turkménistan, où le fleuve coule également, et l’Ouzbékistan, le débit d’eau douce qui arrive dans le mer d’Aral n’est plus suffisant pour balancer les pertes en eau dues à l’évaporation. Le résultat est sans appel, en quelques année le niveau de la mer diminue et commence à reculer. Autre travers, l’eau évaporée laisse les minéraux comme le sel, et la salinité global augmente ce qui tue une bonne partie des espèces de poisson. Au cours des millénaires précédents, la mer d’Aral a déjà été à sec, mais les cours des deux fleuves l’ont toujours remise de niveau. Ici, c’est de la main de l’Homme que la mer disparait.
Avec la baisse du niveau de la mer, qui se retrouve maintenant à 25km+ d’Aral (éloignée également des villages de pêcheurs le long de ses côtes), l’URSS décide de continuer l’industrie de la pêche et fait livrer tout les jours du poisson frais en camion à la conserverie d’Aralsk, les chantier navals sont déplacés. Le poisson Plie (flounder), est introduit dans la mer car il supporte bien les environments très salés, les espèces endémique ayant presque toutes disparues. Cette ère n’est par prospère et ne durera qu’un temps. A l’effondrement du bloque Soviétique en 1991, le gouvernement Kazakh vendra les usines à des sociétés privées, qui fermerons faute de rentabilité dans les années qui suivent.
Vers 1988, la mer est séparée en deux, au nord la petite Aral et au sud la grande. L’état Kazakh décide de créer un barrage pour stopper le déversement du bassin nord de la mer d’Aral dans le bassin sud en Ouzbékistan. Un premier barrage est réalisé dont la construction se termine en 2005 permet a la petite Aral et regagner en superficie et en masse. Un nouveau plan de barrage financé à 75% par le FMI et l’état Kazakh (~200 Millions USD) voit le jour et a pour but de renflouer la mer jusqu’à Aralsk ! Nous n’avons pas vu le barrage mais notre guide nous dit qu’il est possible d’y aller en roulant sur la mer, qui est gelée en hiver ! Depuis quelques années, l’apport en eau n’est plus suffisant et la mer continue de reculer mais tout espoir n’est pas perdu, le niveau est presque stablisé, et les éspèces de poisson endemiques sont revenues naturellement par le biais du fleuve Syr-Daria.
Voici pour la bref histoire de la mer d’Aral. Nous partons avec notre Guide Anglophone Serik vers 9h. Au sud de la ville, nous commençons a rouler sur une piste. Il faut noter que la où il y a de la présence Humaine, il y a des déchets, et bien là je peux confirmer qu’il y a de la présence Humaine ! La piste est en est jonchée, la raison est que certains habitants d’Aralsk préfèrent ne pas payer la taxe sur le déchets et viennent s’en débarrasser aux abords de la ville. Au bout de quelques kilometres, nous arrivons sur le lit de la mer, dorénavant asséché ici. Il y a 40 ans il y avait 5 metres d’eau à cet endroit même ! Difficile a croire, cependant les coquillages qui jonchent le sol et le sole sablonneux en sont la preuve.
La piste est longue et en chemin nous faisons un premier arrêt sur un petit monticule d’où nous pouvons voir le bleu profond de la mer d’Aral au loin. Les enfants, depuis la region du Manguistau, cherchent des fossils a chaque fois que l’occasion se présente, ce qu’ils s’empressent de faire également à cet arrêt. Je ne suis pas sur de ce qu’ils trouvent ici, nous avons un doute sur le fait que ce soit des cristaux de sel, issus d’une mer jadis présente, ou des cristaux de quartz. Nous ne sommes pas assez bon géologues pour pouvoir le dire.
Le second arrêt est un peu du même genre, sauf qu’ici c’est sur une petite colline. Sur ses flancs et au sommet se trouve une roche bizarre, non friable mais très fragile. Si je me rappelle bien de mes cours de collège, il s’agirait de roche volcaniques issue d’explosions. Elle sont légères car moins denses (chargées de bulles d’air ?). Nous pouvons voir de mieux en mieux ce bleu de la mer d’Aral, nous nous rapprochons, et ne sommes plus qu’a deux kilometres à présent.
Nous avons cependant un énorme chagrin, celui de ne pas pouvoir voir les fameuses épaves de bateau. Durant la pandémie de Covid, faute de touristes, les locaux se sont mis a démanteler les bateaux pour récupérer des morceaux de métal afin de finir la construction / rénovation de maisons. Ces épaves sont des mannes de matières première, à bas coût ! Sur la dizaine de bateaux, il ne reste plus deux vieux fonds de cale tout rouillés. Il paraît qu’il resterait des épaves entières du coté Ouzbek, et deux coté Kazakh (pas trop désossées) à plus de 300Km de là. Nous avons, sur le site de la première épave, l’occasion de nous ‘tremper’ dans la mer. Il faut compter aussi sur la bande de vase qui nous bloque le passage! C’est une boue très épaisse et visqueuse, et Aude en profite pour y perdre une tongue, heureusement récupérée! Elle sera la seule a faire tremper ses pieds dans cette mer, très légèrement salée de nos jours (~6g/Litre).
Notre prochaine arrêt, à quelques kilometres seulement, est une « hot spring », un micro complexe est bâtie autour d’un puit foré jusqu’à 1200M de profondeur, duquel sort une eau à 62ºc ! De petits bassins sont aménagés pour pourvoir se baigner, l’eau y reste tout de même très chaude! Nous rencontrons sur place une famille Kazakh, par le biais des enfants qui jouaient ensemble dans l’eau. Elle nous invite à prendre un thé traditionnel et nous offre également du « Qurt » sorte de fromage de lait de chamelle ou vache, séché. Ca à l’aspect et le touché de magnésie, et un goût très fort et très salé. Nous ne sommes pas fan, mais faisons quand même un effort.
Sur le trajet retour, nous préparons la suite du voyage. Nous regardons nos options, la première est de prendre un taxi à 2000 Tenge la place pour rejoindre la grande ville de Kyzylorda, la seconde est de prendre un train pour rejoindre directement Turkestan, plus au sud. Nous prenons l’option du train qui part à 2h30, heure d’Astana, soit 1h38 en heure local. On ne nous y reprendra plus !
Woww! « Vianneypedia », nettement mieux illustré que Wikipedia!
Ici en Australie, avec leur pauvres petites rivieres, celle qui alimentait l’Australie du Sud est aussi en train de s’assécher, et de causer des dégâts irréversibles pour alimenter les fermes du Queensland. L’enjeu économique et politique fair que d’ici peu, la rivière Murray ne coulera que par petits filets vers la mer a Adelaide.
Pour les collectionneurs en herbe, pour savoir si c’est du sel ou d’autres « cristaux », il suffit de lécher… Eh oui, c’est un truc de géologues. 🙂
On voit tout de suite qui écrit quoi 🙂
Alors nous avons bien entendu lécher mais ce n’est pas vraiment salé, tu gouteras en personne à Noël alors nous concluerons cette grande question 🙂
Drôlement instructif. Et assez triste de pouvoir constater les méfaits de l’homme de ses propres yeux.
Finalement, la mer est aussi loin qu’en Bretagne à marée basse. On trouve des fromages de lait de chamelles dans les magasins ou ce sont des productions familiales?
A priori le lait de chamelle c’est un truc a acheter sur le bord de la route mais si ça se trouve c’est en magasin et nous le comprenons simplement pas 🙂
Merci mille fois pour ce fascinant rapport sur les tribulations de la mer d’Aral.
Bravo à l’auteur!